La cheville est une articulation essentielle pour presque tous les mouvements du bas du corps : marche, course, saut, changement de direction, maintien de l’équilibre, etc. Pourtant, c’est souvent une zone négligée dans les entraînements généraux, alors même qu’une mobilité réduite ou une faible stabilité de la cheville peut générer des compensations, des douleurs articulaires à la hanche ou au genou, et augmenter le risque de blessure (entorses, tendinites, etc.).
Travailler la mobilité de la cheville via des exercices ciblés peut améliorer l’amplitude articulaire, faciliter les gestes sportifs exigeants (par exemple le squat profond) et prévenir les blessures. Dans cet article, je vais exposer :
- Les notions essentielles à connaître sur la mobilité de la cheville
- Les bénéfices d’un bon fonctionnement de la cheville
- Une série d’exercices progressifs de mobilité (actifs, passifs, avec résistance)
- Des recommandations pour intégrer ces exercices dans votre routine
- Des précautions à observer et les cas où consulter un professionnel
1. Comprendre la mobilité de la cheville
1.1 Anatomie fonctionnelle de la cheville
L’articulation de la cheville (articulation tibio-tarsienne) relie le tibia et la fibula à l’astragale (talus). Elle permet principalement deux mouvements :
- Dorsiflexion : lever le pied vers le tibia
- Flexion plantaire : pointer le pied vers l’avant
À ces deux mouvements s’ajoutent des mouvements accessoires plus petits : inversion (rotation du pied vers l’intérieur) et éversion (vers l’extérieur).
Mais dans la pratique, la dorsiflexion est souvent le mouvement limité dans de nombreuses personnes, ce qui restreint l’angle que le genou peut franchir dans des gestes comme le squat ou la marche profonde.
La limitation de mobilité peut venir des tissus mous (mollet, triceps sural, fascia, tendon d’Achille), de l’articulation elle-même (ressauts osseux, adhérences), ou plus haut dans la chaîne cinétique (posture, genou, hanche, bassin).
1.2 Pourquoi améliorer la mobilité de la cheville ?
Voici quelques bénéfices concrets :
- Amélioration de la performance sportive : une meilleure dorsiflexion permet de descendre plus bas dans les squats sans compensation lombaire, d’avoir un déroulé de pas plus efficace pour le jogging ou les sauts.
- Moins de douleurs et de compensations : une cheville trop rigide peut imposer des contraintes à la colonne vertébrale, aux genoux ou aux hanches lors de mouvements fonctionnels.
- Prévention des blessures : une cheville souple ET stable est moins susceptible aux entorses, aux tendinopathies ou aux microtraumatismes chroniques.
- Meilleure stabilité & proprioception : travailler la mobilité avec des contrôles assure que l’articulation capte mieux les positions dans l’espace, ce qui est essentiel pour l’équilibre.
2. Principes pour bien travailler la mobilité
Avant de vous lancer dans les exercices, quelques principes clés :
- Pas de douleur excessive : les exercices doivent être ressentis comme un étirement ou une tension légère, pas une douleur aiguë.
- Progressivité : commencez avec des exercices passifs ou de faible charge, puis augmentez l’intensité ou la résistance.
- Régularité : quelques minutes régulièrement (3 à 5 fois par semaine) valent mieux qu’une séance intensive isolée.
- Mobilité + contrôle : la souplesse sans contrôle est inutile ; il faut coupler les exercices de mobilité avec un travail de stabilité et de renforcement.
- Varier les angles et les déplacements : pour “ouvrir” toute l’amplitude de l’articulation dans ses différentes directions (flexion, extension, inversion, éversion).
3. Exercices de mobilité pour les chevilles
Voici une série d’exercices classés selon leur intensité croissante. Vous pouvez les adapter selon votre niveau.
3.1 Mobilité passive / étirements doux
Ces exercices visent à relâcher les tissus mous, à stimuler le flux sanguin et à explorer l’amplitude de la cheville sans résistance forte.
a) Cercles de cheville (“alphabet de cheville”)
- Asseyez-vous, jambe tendue ou légèrement fléchie, le pied en l’air.
- Imaginez que votre gros orteil trace l’alphabet (A, B, C, …) dans l’air, ou faites de grands cercles (tenez 10 à 15 cercles dans chaque sens).
- Veillez à bouger uniquement la cheville, sans impliquer genou / hanche.
Cet exercice simple stimule les différentes directions du mouvement (dorsiflexion, flexion plantaire, inversion, éversion).
b) Étirement du mollet contre un mur (flexion dorsale passive)
- Placez-vous face à un mur, le pied à une distance qui permet au talon de rester au sol.
- Avancez lentement le genou vers le mur tout en gardant le talon au sol, genou tendu.
- Vous allez sentir un étirement dans le mollet et la cheville.
- Maintenez 20 à 30 secondes, répétez 2 à 3 fois par jambe.
Cette version passive de la dorsiflexion aide à gagner quelques degrés d’amplitude.
c) Mobilisation avec bande de résistance
- Fixez une bande élastique à un point fixe au sol ou au mur.
- Placez l’autre extrémité autour de votre cheville ou du dessus du pied.
- Avancez ou éloignez-vous pour appliquer une traction qui aide l’astragale à “glisser” dans la mortaise tibio-fibulaire.
- Effectuez de petits mouvements de dorsiflexion (genou au-dessus du pied) tout en maintenant la bande tendue.
Cette technique de mobilisation articulaire (joint mobilization) est une stratégie fréquemment utilisée pour débloquer les restrictions internes.
3.2 Exercices actifs (sans charge ou avec légère charge)
Ces exercices vous obligent à activer vos muscles tout en mobilisant l’articulation.
a) Flexion / extension alternée (pump)
- Assis ou debout, talon en contact avec le sol, levez et abaissez l’avant-pied (flexion dorsale et plantaire) comme si vous appuyiez et relâchiez une pédale.
- Faites de petits mouvements au début, puis augmentez l’amplitude au fil de la progression.
- Maintenez la position extrême quelques secondes pour accentuer l’étirement.
C’est un exercice simple mais très utile en phase de réveil articulaire.
b) Avancer le genou au-delà des orteils (version poids du corps)
- Placez-vous devant un mur ou un plan droit.
- Tenez-vous à une distance raisonnable avec le pied devant.
- Sans lever le talon, amenez le genou vers l’avant jusqu’à ce qu’il dépasse légèrement les orteils (en gardant le talon au sol).
- Revenez à la position initiale de manière contrôlée.
- Répétez 8 à 12 fois par jambe.
Cet exercice favorise une dorsiflexion fonctionnelle et dynamique, utile dans la marche et le squat.
c) Montée sur les pointes (calf raises)
- Debout, les pieds écartés à la largeur des hanches.
- Montez lentement sur la pointe des pieds, puis redescendez de manière contrôlée.
- Vous pouvez faire l’exercice sur une marche ou une plateforme pour augmenter l’amplitude (talons suspendus dans le vide).
- Réalisez 8 à 15 répétitions, 2 à 4 séries.
Cet exercice renforce les muscles du mollet mais sollicite aussi la cheville dans toute son amplitude.
d) Équilibre sur une jambe
- Tenez-vous debout, soulevez une jambe et maintenez l’équilibre sur l’autre.
- Pour augmenter la difficulté, fermez les yeux ou effectuez des mouvements avec l’autre jambe ou les bras.
- Tenez 15 à 30 secondes, faites 2 à 3 répétitions par jambe.
Cet exercice engage les stabilisateurs de la cheville et améliore la proprioception.
e) Sauts latéraux contrôlés
- À bas niveau d’intensité, effectuez de petits sauts latéraux (d’un côté à l’autre).
- Concentrez-vous sur l’atterrissage contrôlé, sans choc excessif.
- Faites 10 à 20 sauts par jambe selon votre niveau.
Cet exercice combine mobilité et stabilité dans un contexte dynamique (à réserver si la cheville le permet).
3.3 Exercices avancés / combinés
Une fois la mobilité de base gagnée, vous pouvez intégrer des exercices plus exigeants :
a) Split squat profond avec mobilité de cheville
- En position fente, le genou avant peut dépasser la pointe du pied si la cheville le permet.
- Tenez-vous vertical, descendez lentement, puis remontez.
- Concentrez-vous sur l’engagement de la cheville tout au long du mouvement.
Cet exercice force la cheville à travailler dans son amplitude maximale dans un contexte de charge du corps entier.
b) Mobilisation avec bande + squat
- Comme pour la mobilisation avec bande, mais vous effectuez simultanément un squat léger tout en maintenant la tension.
- Cela demande une coordination plus poussée entre mobilité, force et contrôle.
Cette variante avancée est souvent utilisée par des sportifs pour “ouvrir” la cheville et la faire bouger sous charge.
c) Travail excentrique des mollets
- Montez sur la pointe des pieds à deux jambes, puis descendez lentement (phase excentrique) en gardant le contrôle, jusqu’à ce que les talons descendent librement.
- Vous pouvez le faire unilatéralement pour augmenter la difficulté.
L’excentrique aide à gagner en contrôle et en souplesse musculaire tout en renforçant.
4. Exemple de routine de mobilité
Voici comment vous pourriez structurer une session de mobilité de cheville (15 à 20 minutes) :
| Phase | Objectif | Exercices / Durée | Nombre de répétitions / séries |
|---|---|---|---|
| Échauffement général | Activer la circulation | Marche légère, rotations générales de cheville | 2 à 3 minutes |
| Mobilité passive | Explorer l’amplitude | Cercles de cheville + étirement mollet au mur | 10–15 cercles + 2 × 20–30 s mollet |
| Mobilité active | Activer les muscles | Flexion/extension (pump) + avancée du genou | 2 × 15–20 répétitions + 2 × 10 répétitions par jambe |
| Renforcement / contrôle | Stabilité + force légère | Calf raises + équilibre unipodal | 2 à 3 séries de 8–12 + maintien 15–30 s |
| Phase combinée (optionnelle) | Mobilité sous charge | Split squat / mobilisation bande, excentrique | 2 à 3 séries de 6–10 |
Fréquence recommandée : 3 à 5 fois par semaine, selon vos objectifs et votre niveau.
5. Conseils pour optimiser les progrès
Pour tirer le meilleur parti de votre travail de mobilité :
- Soyez régulier : quelques minutes chaque jour ou quasi quotidiennement.
- Aller jusqu’à la limite tolérable : travailler près de la limite de l’amplitude sans forcer violemment.
- Respirez bien : une bonne respiration aide à relâcher les muscles et les fascias.
- Varier les angles : travailler la flexion de la cheville dans différentes positions de jambe (genou fléchi ou tendu) pour solliciter différents muscles (gastrocnémiens, soléaire).
- Ajoutez une charge progressive : lorsque la mobilité de base est acquise, ajoutez la bande, le poids du corps, ou des mouvements dynamiques.
- Surveillez la récupération : si vous ressentez une fatigue excessive, inflammation ou douleur, réduisez l’intensité ou laissez un jour de repos supplémentaire.
- Intégrer dans l’entraînement : faire ces exercices avant vos séances (comme partie de l’échauffement) est souvent très bénéfique pour “préparer” les chevilles à l’effort.
6. Précautions et cas particuliers
6.1 Quand éviter certains exercices
- En phase aiguë d’une blessure (entorse récente, douleur intense) : consultez un professionnel de santé avant de faire des exercices contraignants.
- En présence d’une douleur qui augmente pendant l’exercice ou après, modifiez ou arrêtez l’exercice.
- Si vous avez des pathologies articulaires majeures (arthrose sévère, antécédent de fracture mal consolidée, instabilité chronique), demandez un avis médical.
6.2 Progression et individualisation
Chaque personne a une mobilité différente de base. Il n’y a pas de “standard unique” à atteindre. Avancez selon votre ressenti, dans le respect de votre intégrité articulaire. Vous pouvez augmenter progressivement les répétitions, la charge (bandes, poids), ou la difficulté (exercices plus complexes).
6.3 Quand consulter un professionnel
- Si la limitation de mobilité est importante malgré un travail régulier
- Si vous ressentez des douleurs persistantes ou des sensations mécaniques (craquements, blocages)
- Avant de reprendre une activité sportive intense après une blessure de cheville
Un kinésithérapeute ou physiothérapeute pourra réaliser une évaluation complète, proposer des techniques manuelles, des mobilisations passives avancées, et un programme personnalisé.
Conclusion
Améliorer la mobilité de vos chevilles est un investissement intelligent pour votre corps et vos performances. Avec des exercices simples mais bien choisis — allant des étirements doux à des mouvements actifs, puis vers des exercices sous charge — vous pouvez étendre vos amplitudes articulaires, renforcer la stabilité, et mieux protéger vos articulations du bas du corps.
La clef réside dans la régularité, la progressivité, l’écoute de votre corps et l’intégration de ces mouvements dans vos routines sportives ou quotidiennes. Si jamais vous rencontrez une douleur persistante ou une limitation importante, n’hésitez pas à consulter un professionnel.